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Page:Boulenger - Romans de la table ronde II, 1923.djvu/31

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LA DAME DE NOHANT

par le roi Artus soupait si joyeusement en son logis, elle s’informa et apprit qu’on ne lui avait offert chez elle ni à boire ni à manger et que nul ne l’avait seulement regardé. Alors elle se repentit de ne lui avoir pas fait plus belle chère.

— En nom Dieu, lui dit son sénéchal, ce n’est pas en pleurant qu’on retient les chevaliers étrangers, mais par de belles paroles, des joyaux, des cadeaux ! Fût-il le pire homme du monde, vous deviez l’accueillir à grande joie et le prier de manger à votre table, puisqu’il était envoyé par monseigneur le roi.

— Je vois bien que j’ai fait une folie. Mais je croyais qu’il avait mangé avec mes chevaliers.

— Vous croyiez ? Peut-être est-il de meilleur lignage que vous. Vous n’eussiez rien risqué à le faire asseoir à votre côté.

Alors la dame se mit à pleurer et à gémir comme font les femmes. Mais son sénéchal lui dit encore :

— Maintenant, rien ne sert de pleurer. Allons, et nous lui parlerons.

Sitôt qu’ils entrèrent au logis du chevalier, les jeux s’arrêtèrent, et la menue gent se leva devant eux. Le damoisel fit semblant de ne rien voir ni entendre, mais il regarda ses écuyers en souriant. Alors son hôte, le boucher, à qui il venait de donner une très belle coupe, le tira