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KEU DÉÇU

lève tout dolent et courroucé. Il descend dans la salle où étaient restées ses armes et s’en revêt ; il monte sur son destrier qu’on lui amène ; il s’éloigne sans mot dire derrière la pucelle, car elle veut le remettre dans son chemin.

Elle allait un peu en avant de lui, sur sa mule, et elle devinait bien son penser. Au bout d’un moment, elle se mit, en riant un peu, à chanter la chanson :

 
Il n’est point jour, savoureuse au corps gent.
Ha, de par Dieu, l’alouette nous ment !

Puis elle se laissa rejoindre et lui dit pour le mettre en paroles :

— Dormez-vous, sire ? Peut-être votre amie vous aura fait veiller plus que vous n’en aviez besoin après une si rude journée ?

Keu vit bien qu’elle se moquait.

— Demoiselle, si je suis raillé, je n’en peux mais, et il en est bien d’autres dans le pays. Toutefois, il y a longtemps que j’ai ouï dire pour la première fois que mieux vaut être, à la fin, trompé que trompeur.

Ainsi devisaient-ils, tout en chevauchant ; enfin, ils approchèrent de la Douloureuse Garde. Quand on aperçut au loin la tour du château, qui était des plus hautes qui aient jamais été, la pucelle prit congé de lui, et il continua son chemin pour revenir auprès du roi. Mais le conte cesse à cet endroit de parler de Keu le sénéchal