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LE CHEVALIER VERMEIL

d’armes du roi Artus commencèrent de clamer :

— Leurs chevaliers viennent !… Voyez-les !… Le roi Premier Conquis approche !

Et s’adressant à Lancelot qui rêvait toujours, les yeux sur la loge où était la reine :

— Sire chevalier, voyez un des leurs venir !… Qu’attendez-vous ?… Il vient !

Mais ils eurent beau lui répéter cela cent fois, il ne répondit mot, car il ne les entendit point, et à la fin l’un d’eux put s’approcher et lui enlever son écu sans qu’il s’en aperçût seulement. Alors un garçon ramassa au bord de l’eau une motte de terre humide et la lui lança de toutes ses forces sur le nasal du heaume, en criant :

— Mauvais failli, à quoi songez-vous ?

L’eau boueuse lui piqua les yeux : alors Lancelot revint à lui. Il vit le roi Premier Conquis approcher : aussitôt il brocha des éperons, baissa sa lance, et, sans écu comme il était, lui courut sus. Le roi le frappa en pleine poitrine, mais son haubert, qui était fort, ne céda pas, et il renversa à la fois l’homme et le cheval. Aussitôt le héraut qui lui avait pris l’écu courut le lui repasser au col. Mais Lancelot, sans daigner seulement le regarder, s’apprêta à faire front aux gens du Premier Conquis qui s’élançaient à la rescousse de leur seigneur. Les hommes du roi Artus accouraient à leur tour : ils les accueillirent sur le fer de leurs lances ; et ainsi commença la dure mêlée.