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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

bert, les épaules tailladées, les bras tout bleus des coups qu’ils avaient reçus, les poings gros et pleins de sang.

Alors elle se tourna vers sa cousine en souriant, et prenant les chandelles :

— Regardez, fit-elle, et vous verrez merveilles !

Puis, tandis que la pucelle passait la tête et examinait curieusement le blessé, elle entra tout doucement dans la geôle et fit un pas vers le lit en murmurant :

— Je serais bien aise de lui donner un baiser !

— Ha, dame, qu’avez-vous dit ! s’écria la pucelle à voix basse. Ne le faites pas, car s’il s’éveillait, il en priserait moins et vous et toutes les femmes. Ne soyez pas si folle qu’ensuite vous ayez bonté !

— Dieu m’aide ! Comment pourrait-on avoir honte de ce que l’on aurait fait pour un si prud’homme ?

— Et s’il refusait ? Le plus preux de corps n’a pas toujours toutes les bontés du cœur.

La pucelle en dit tant qu’elle détourna sa cousine de rien tenter, et toutes deux revinrent dans les chambres, où la dame commença de parler de son prisonnier, s’émerveillant qu’il eût fait tant d’armes :

— Ce doit être qu’il aime d’amour en très haut lieu, disait-elle.

La pucelle s’efforçait de changer de propos,