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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

— Certes, fit messire Gauvain, il eut raison, car avec Galehaut toute prud’homie et vaillance ont disparu du monde !

De ce mot, la reine fut très courroucée, car elle ne croyait pas que Lancelot fût mort : elle pensait qu’il était malade ou prisonnier ; son cœur le lui disait bien.

— Comment, Gauvain, dit-elle, il ne reste sur terre nul homme qui vaille ? Il y a au moins le roi votre oncle !

Tout le monde se tut et le roi se mit à songer tristement. Comme il rêvait ainsi, entra un chevalier tout armé et ceint de son épée, mais sans heaume, grand et fort de ses membres, les jambes longues et droites, bien fourni des reins, les flancs étroits, la poitrine épaisse et haute, les bras gros et longs, les os durs, les poings carrés, les épaules larges, la tête grosse et le visage semé de taches de son. Il traversa la salle à grands pas, tenant par contenance un bâton à la main, et, arrivé devant le roi, il dit fièrement et si haut qu’il fut entendu de tous :

— Roi Artus, je te fais savoir, à toi et à tous ceux qui sont ici, que je suis Méléagant, fils du roi Baudemagu de Gorre. Et je viens me défendre contre Lancelot du Lac, car j’ai ouï dire qu’il se plaint que ce soit par trahison que je l’ai jadis blessé. Et s’il le prétend, qu’il s’avance, car je suis prêt à soutenir que je l’ai navré en droite joute et comme bon chevalier.