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LES CAROLES ENCHANTÉES

qu’ils disaient : « Vraiment, nous avons la plus belle de toutes les reines », et : « Vraiment il fait bon maintenir amours », ou quelque chose d’approchant.

Ainsi dura la fête jusqu’au soir. Quand vint l’heure du souper, une demoiselle s’approcha de Lancelot et l’invita à s’asseoir sur le trône d’ivoire et à essayer la couronne d’or. Il répondit d’abord qu’il préférait danser. Mais elle le prit par le doigt et il se laissa mener par elle : tout riant, il prit place sur la chaire et posa la couronne sur sa tête. Aussitôt les chevaliers, les dames et les demoiselles furent délivrés de leur folie, tandis que lui-même, revenant à son droit sens, s’empressait d’ôter l’insigne royal et de se lever du trône par modestie. Mais tous vinrent l’accoler et le remercier, et un vieil homme lui dit, après lui avoir demandé son nom :

— Lancelot, beau fils, j’avais bien prédit que l’enchantement de céans ne tomberait que par vous ! Sachez qu’un jour où le roi Ban chevauchait par cette forêt avec ses chevaliers, il aperçut six pucelles qui carolaient ici en chantant une chanson qu’on avait faite de la reine Guenièvre nouvellement mariée, et sur cette chaire d’ivoire était assise une belle demoiselle qui les écoutait. Bien qu’il fût de grand âge, le roi Ban était très gai.

« — Il serait mieux séant que chacune de ces demoiselles eût un chevalier ! s’écria-t-il.