Page:Boulenger - Romans de la table ronde III, 1922.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
LA FONTAINE BOUILLANTE

de tel. Il éperonna son cheval et parvint bientôt dans un vallon profond : là, sous un chêne dont les branches et les feuilles la couvraient, se trouvait une maison basse et ancienne, et, non loin, une source coulait par un tuyau d’argent dans un bassin, au pied d’une tombe de marbre vermeil que gardaient deux lions couchés ; c’était l’un d’eux qui avait si horriblement crié.

Dès qu’elles virent Lancelot, les bêtes se levèrent, battant leurs flancs de leur queue pour se mettre en colère : car c’est l’usage des lions de n’attaquer ni homme ni femme avant que d’être courroucés. Mais Lancelot sauta vivement de son destrier, craignant qu’il ne fût occis, puis il courut au premier lion et lui trancha la tête. Le second, cependant, lui arrachait son écu : dont le chevalier eut si grande honte qu’il lui fendit le chef jusqu’aux épaules. Après quoi il s’approcha de la tombe.

Elle était dégouttante de sang, et au fond de la fontaine, dont l’eau bouillait comme si tout le feu du monde l’eût échauffée, on apercevait une tête coupée, toute blanche et chenue. Lancelot y plongea la main et, non sans se brûler au point qu’il pensa trouver sa chair et ses os en cendres, il en tira la tête. Puis il leva la tombe et découvrit ainsi un corps sans chef. Et comme il le regardait, tout ébahi, un ermite sortit de la maison et lui dit, après lui avoir demandé son nom :