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LA DEMOISELLE EN GUENILLES

Soyez le bienvenu et dites-moi ce que vous souhaitez.

— Faites-moi chevalier, sire roi, donnez-moi des armes, et que je m’en aille !

Là-dessus, les barons se mirent à rire.

— Ami, dit Keu en plaisantant, prenez celles du premier chevalier que vous rencontrerez. Le roi vous les donne.

— Keu, tenez votre langue ! s’écria le roi. Ce valet est simple, mais il est sans doute bon gentilhomme. C’est vilenie que de railler autrui, et ce n’est pas d’un prud’homme que de donner ce qu’on ne possède point.

Mais Perceval était sorti de la salle et, remonté sur son bidet, il quittait la ville tout joyeux.

Or, comme il venait de passer la porte, il aperçut une pucelle chevauchant un palefroi maigre, rendu, les oreilles pendantes, qui n’avait plus que le cuir sur les os : à le voir, on l’eût bien pris pour un cheval prêté ! Il n’avait d’autre frein qu’un licol et, en guise de selle, un peu de paille cousue dans une vieille toile ; et là-dessus se tenait une pucelle qui n’était pas en meilleur point que sa monture, pâle, chétive, décharnée comme si elle sortait de maladie, couverte d’un bliaut en lambeaux, si déchiqueté que ses seins sortaient par les déchirures, la peau toute hâlée et crevassée par le chaud et le froid, les cheveux épars, la tête couverte d’un mauvais linge et le visage tracé par les larmes qui sans