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LE CHEVALIER À LA CHARRETTE

se présente : je l’attends. Et sachez que vous êtes le plus failli roi et le plus recréant qu’on ait jamais vu. J’emmène ce cheval ; je vous en prendrai d’autres, et nul de vos chevaliers ne sera capable de les regagner.

Puis s’adressant à monseigneur Gauvain :

— Sire, grand merci d’avoir daigné manger avec moi.

— Allez à Dieu, répliqua celui-ci ; de moi vous n’avez à vous garder.

D’abord, le roi était demeuré tout ébahi ; puis il entra dans une telle colère qu’il en pensa perdre le sens, criant qu’il n’avait jamais connu une pareille honte que de voir un larron lui enlever un de ses chevaux sous ses yeux. Déjà Sagremor le desréé avait couru s’armer en son logis et galopait à la poursuite du chevalier, bientôt suivi par Lucan le bouteillier, puis par Bédoyer le connétable, par Giflet fils de Do et par Keu le sénéchal.

Les compagnons filèrent à toute allure le long de la rivière, derrière celui qu’ils pourchassaient. Au gué de la forêt, une dizaine de fer-vêtus semblaient attendre l’étranger. Il s’arrêta devant le gué, et, voyant arriver Sagremor, il le chargea si rudement qu’au premier choc, il lui fit vider les arçons. Alors il prit le destrier par la bride et le mena de l’autre côté de l’eau où il le remit à ses gens.