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LA HAUTE QUÊTE

à les écouter, le roi sentait un si grand chagrin que l’eau du cœur lui vint aux yeux.

— Gauvain, Gauvain, dit-il, vous m’avez trahi ! Car vous m’avez ôté mes amis, la plus belle compagnie et la plus loyale qui soit. Je sais bien que les compagnons de la Table ronde ne reviendront pas tous de cette quête et qu’il en manquera beaucoup : certes cela ne me peine pas peu ! Je les ai élevés aussi haut que j’ai pu et je les aime comme des fils et des frères… Ha, je doute beaucoup de les revoir jamais !

— Pour Dieu, sire, que dites-vous ? s’écria Lancelot. Un roi ne doit pas nourrir la crainte en son cœur, mais la hardiesse et l’espoir. Et si nous mourons en cette quête, ce sera la plus belle et la plus honorable des morts.

— Lancelot, Lancelot, c’est le grand amour que j’ai pour vous tous qui me fait parler ainsi ! Et ce qui me chagrine, c’est que je sais bien que vous ne serez pas rassemblés à la table du Graal comme vous l’êtes à celle-ci et que bien peu y seront admis !

À cela Lancelot ni messire Gauvain ne répondit rien, car ils sentaient que le roi disait vrai et qu’eux-mêmes, peut-être, n’auraient pas place à la haute tablé du Graal. De façon que messire Gauvain se serait repenti du vœu qu’il avait fait, s’il l’eût osé.