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Page:Boulenger - Romans de la table ronde IV, 1923.djvu/129

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LA MORT D’ARTUS

car vous pouvez bien voir que messire Lancelot est le plus beau chevalier du monde, le plus preux, le plus hardi, le plus noble ; vous ferez périr avec son corps toutes les grâces par lesquelles on gagne de l’honneur dans le siècle ; ha, vous ôterez le soleil d’entre les étoiles et de cette terre la fleur de toute chevalerie ! Et tel est le grand bien que notre lignage tirera de vos amours.

— Lionel, répondit la reine, si ce que vous dites advenait, nul n’y perdrait autant que moi, car j’y perdrais mon corps et mon âme. Pourtant laissez-moi, car vous n’aurez d’autre réponse.

Alors Lionel la quitta et revint à Lancelot.

— Sire, lui dit-il après l’avoir tiré à l’écart, il m’est avis que nous quittions cette cité. Madame la reine vous défend son hôtel, et à tous ceux qui viendraient de par vous.

Puis il lui conta comment la reine Guenièvre s’était offensée en apprenant qu’il avait porté la manche d’une dame au tournoi de Winchester, et comment elle avait dit que jamais il ne trouverait plus d’amour en elle. Dont Lancelot fut si accablé, qu’il demeura très longtemps sans sonner mot.

— Amour, s’écria-t-il enfin, telle est la récompense qu’on a de t’avoir servi ! Dussé-je ne plus jamais parler à ma dame, si elle m’avait pardonné, je m’en irais moins tristement ; mais