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L’ÉCU DE MORDRAIN

et me jetait à bas de mon destrier. « Sire chevalier, me dit-il, vous êtes bien fou de vous être servi de cet écu, tout souillé de péchés comme vous êtes ! Notre Sire m’a envoyé pour tirer vengeance de ce méfait. Retournez à l’abbaye, et quand Galaad, le sergent de Jésus-Christ, y sera venu, dites-lui qu’il prenne hardiment le bouclier et qu’il vienne ici : je lui en dirai la signifiance. »

Le lendemain donc, après la messe, un des moines mena Galaad derrière le maître autel et lui montra un bel écu blanc à croix vermeille, qui fleurait une odeur plus douce que celle des roses. Et Galaad le prit, et quand il fut parvenu au lieu où le roi Ydier avait été blessé la veille, il vit accourir le blanc chevalier, qui lui dit :

— Sache que, trente-deux ans après la Passion de Jésus-Christ, Joseph d’Arimathie, le gentil chevalier qui décloua le Sauveur de la croix, vint à Sarras où il convertit un roi sarrasin et mécréant qu’on appelait Évalac le méconnu et qui reçut à son baptême le nom de Mordrain. En partant pour la Bretagne, il lui laissa un écu blanc sur lequel il avait fait peindre une croix en mémoire de Notre Seigneur. Or, il arriva que Joseph et son fils l’évêque Josephé furent emprisonnés par un roi breton nommé Crudel. Mais Mordrain, à son tour, s’embarqua par le commandement de Dieu et vint dans la Bretagne bleue où, avec l’aide de son beau-frère Nascien,