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LA VIGUEUR DE MONSEIGNEUR GAUVAIN

immobiles, appuyés sur leurs écus. Et messire Gauvain, certes, avait raison d’attendre de la sorte, car il était ainsi fait qu’à mesure que l’heure de midi approchait ses forces augmentaient, pour décroître ensuite peu à peu, jusqu’à ce qu’il revînt à sa vigueur ordinaire. Mais, parce que d’aucuns pourraient tenir cela pour une fable, je dirai comment il avait reçu ce don : ce conte-ci, en effet, ne laisse rien qu’il n’explique, tant il est bien renseigné.

Quand il naquit, le roi Lot d’Orcanie, son père, le fit porter chez un ermite qui menait une vie si sainte, que Notre Sire faisait souvent des miracles par lui. Le prud’homme le baptisa volontiers et l’appela Gauvain.

— Beau sire, dit un des chevaliers qui avaient apporté l’enfant, faites que le royaume d’Orcanie se loue de vous et que cet enfançon, lorsqu’il sera en âge de porter les armes, y soit plus habile que nul autre.

— Sire, ce n’est pas de moi que viennent de telles grâces, mais de Notre Seigneur. Je prierai Dieu pour lui. Demeurez céans jusqu’à demain matin.

Et le lendemain, sitôt qu’il eut chanté sa messe, le prud’homme vint dire au chevalier :

— Sachez, beau sire, que cet enfant sera plus preux que tous ses compagnons, et qu’à midi, qui est l’heure meme où il a reçu le saint baptême, sa vigueur et vertu se trouveront si