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MORT DE CARADOS BIÉBRAS

mais ceux de Carados firent tant qu’ils restèrent maîtres du terrain.

— Beaux seigneurs, leur dit le vieux roi lorsqu’ils l’eurent relevé, je suis mort : pensez seulement à me venger et ne faites pas semblant de me plaindre et regretter, car les nôtres en pourraient être déconfortés et les ennemis enhardis. Couchez-moi sur mon écu et portez-moi sur ce tertre : je mourrai plus aise en regardant la bataille.

Ainsi firent-ils, en pleurant ; puis ils prirent congé de lui et retournèrent au combat où ils se mirent à frapper comme charpentiers sur poutres et tuèrent presque tous les Écossais.

Mais alors les Gallois laissèrent courre, puis ceux de Northumberland, puis, l’une après l’autre, toutes les échelles de Mordret, criant leurs enseignes en divers langages ; et le roi Artus lança tour à tour les siennes à la rescousse. Des deux parts, les prud’hommes appuyaient si bien leurs coups qu’à chaque rencontre plus de la moitié étaient occis ; puis ceux qui demeuraient en selle faisaient briller leurs épées et s’entre-tuaient, foulant aux pieds des chevaux les blessés et les morts : certes, il n’y avait pas dans tout le reste du monde autant de bons chevaliers qu’on en vit là gisants comme brebis égorgées ! Et le claquement des lances, le heurt des écus, le tintement des heaumes, le cliquetis des hauberts, le