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LA MORT D’ARTUS

selle. Mais chacun aimait mieux de mourir que de laisser à l’autre la victoire : une fois encore, des deux parts, les prud’hommes rendirent la main et brochèrent des éperons.

Lucan, quoiqu’il fût très affaibli par ses plaies, s’adressa à Mordret ; mais l’autre, qui était tout sain et dispos, jeta son écu à la rencontre et d’un coup lui fit voler la tête à plus d’une longueur de lance : certes, ce fut grand dommage ! Et dans le même temps un chevalier de Northumberland prenait le roi Artus à la traverse et le frappait à découvert au côté gauche : il l’eût grièvement navré, mais Notre Sire voulut qu’aucune maille du haubert ne rompît et que le roi roulât à terre sans mal. Tandis que ses hommes le remontaient, le roi Ydier, malgré ses plaies, s’élança à la poursuite du chevalier et lui fendit le visage jusqu’aux oreilles. Mais Mordret irrité courut sus au roi Ydier et, haussant son épée à deux mains, il lui fit boire l’acier par la cervelle.

— Ha, glorieux Dieu, dit le roi voyant cela, pourquoi souffres-tu que l’un des plus prud’hommes du monde soit occis par le plus traître ?

Il prit une lance grosse et roide, et à nouveau, de toute la vitesse de son cheval, il s’adressa à Mordret. Or, sachez que cette fois il perça d’outre en outre le déloyal : tout le fer de sa lance et un bon pied du bois sortit par