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MORT D’IVAIN LE GRAND

vèrent et se coururent sus, l’épée nue. De son premier coup, le chevalier fendit l’écu jusqu’à la boucle et atteignit le heaume dont il fit sauter les fleurons et les pierreries. Gauvain sentit le choc, mais son courage s’en accrut : il haussa son arme et l’abattit de telle sorte, à son tour, qu’il trancha l’écu en deux parties, coupa le heaume, la coiffe de mailles et la peau du crâne. Dans le même temps, son adversaire, d’un revers, lui cassait deux dents et lui faisait cracher son sang rouge. Mais le milieu du jour approchait, et tel était le don qu’avait reçu messire Gauvain qu’à tierce sa valeur doublait, à midi elle quadruplait : furieux, il saisit le chevalier dans ses bras, où il le serra si fort que l’autre fut au point de pâmer de douleur, et, quand il le vit ainsi, il le laissa choir et lui bouta son épée dans la poitrine ; puis, sans la retirer, d’un coup il lui arracha son heaume, en en brisant les lacs. Et il reconnut à ce moment monseigneur Yvain le grand, fils du roi Urien. Alors il sentit son âme se serrer et l’eau du cœur lui monta aux yeux. Il souleva doucement son compagnon très ancien ; il le plaça sur son propre cheval, et, le soutenant par les flancs, suivi d’Hector qui portait en pleurant le heaume du blessé, il le conduisit à une blanche abbaye qui s’élevait non loin de là.

— Beau sire, lui dit en arrivant messire Yvain, c’est par la volonté du Sauveur et pour