Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/101

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s’inquiéter s’il lui sera rendu. Il veille aux inhumations comme au transport des malades ; mais le fléau va croissant ; les places publiques, les rues, les maisons, les navires même dans le port regorgent de cadavres. Le chevalier de Rancé, commandant des galères, accorde des secours d’hommes et, chaque matin, trois échevins montent à cheval pour présider à cette dangereuse besogne de l’enlèvement des morts ; le quatrième, étant retenu à l’hôtel-de-ville pour l’expédition des affaires d’urgence, le chevalier Roze se trouve là toujours pour le remplacer. De vastes fosses ont été creusées dans la campagne, et grâce à l’héroïque dévouement comme à l’infatigable activité de ces hommes de cœur, chefs et soldats, travaillant sans relâche, même la nuit à la lueur des torches, la ville, au bout de quelques jours, put être déblayée, les monceaux de cadavres gisant dans les rues ayant été successivement enlevés.

Mais il est un endroit dans la ville qu’il semble comme impossible d’aborder, quoiqu’il soit un foyer de pestilence dont les émanations putrides, quand le vent souffle de la mer surtout, portent par toute la cité de nouveaux germes de contagion : c’est l’esplanade de la Tourette s’étendant depuis le fort Saint-Jean jusqu’à l’église de la Major, et où sont entassés plus de douze cents cadavres, se putréfiant sous les ardents rayons du soleil, et dont les plus récents gisent là depuis plus de trois semaines. Le terrain ne permet pas de creuser des fosses dans le voisinage, et toutefois, comment se risquer à remuer cet effroyable charnier pour transporter les restes au travers de la ville ?

À la suite d’un conseil tenu chez le gouverneur, Roze,