Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/126

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II


« Considérez, je vous prie, à quoi se passe la vie humaine. Chaque âge n’a-t-il pas ses erreurs et sa folie ? Qu’y a-t-il de plus insensé que la jeunesse bouillante, téméraire et mal avisée, toujours précipitée dans ses entreprises, à qui la violence de ses passions empêche de connaître ce qu’elle fait ? La force de l’âge se consume en mille soins et mille travaux inutiles. Le désir d’établir son crédit et sa fortune ; l’ambition et les vengeances, et les jalousies, quelles tempêtes ne causent-elles pas à cet âge ? Et la vieillesse paresseuse et impuissante, avec quelle pesanteur s’emploie-t-elle aux actions vertueuses ! combien est-elle froide et languissante ! combien trouble-t-elle le présent par la vue d’un avenir qui lui est funeste !

Jetons un peu la vue sur nos ans qui se sont écoulés ; nous désapprouverons presque tous nos desseins, si nous sommes juges un peu équitables ; et je n’en exempte pus les emplois les plus éclatants, car, pour être les plus illustres, ils n’en sont pas pour cela les plus accompagnés de raison. La plupart des choses que nous avons faites, les avons-nous choisies par une mûre délibération ? N’y avons-nous pas plutôt été engagés par une certaine chaleur inconsidérée, qui donne le mouvement à tous nos desseins ? Et dans les choses mêmes dans lesquelles nous croyons avoir apporté le plus de prudence, qu’avons-nous jugé par les vrais principes ? Avons-nous jamais songé à faire les choses par leurs