Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/166

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dans la vie et dans le monde, l’ardeur de ses convictions, les excitations de la lutte expliquaient surabondamment ces écarts du moment où dominaient, à ne pouvoir s’y méprendre, la bienveillance et la bonhomie. Mais comment ne pas s’incliner devant la sincérité de son patriotisme, la fermeté de son incomparable bon sens, l’ampleur de ses vues, la richesse de son expérience, la simplicité véritablement antique de ses habitudes et de sa vie ? »

« Le maréchal Bugeaud écrivait et parlait avec une remarquable facilité, avec une éloquence entraînante, inégale quelquefois, toujours originale, pittoresque, imagée. Sa parole, quand il haranguait les troupes sous l’empire d’une grande passion et d’une grande conviction, atteignait à des hauteurs imprévues. Lequel d’entre nous n’a encore la mémoire et l’âme remplie de ce discours digne de Tacite par la grandeur des aperçus et par la sobriété du langage, où il nous annonça, le soir du 13 août, 1844, dans l’Ouerdefou, à la lueur des torches, sa ferme résolution de livrer bataille le lendemain à Isly. Les soldats saisis d’enthousiasme bordaient les escarpements des deux rives, et quatre cents officiers, pressés au fond de l’étroite vallée, acclamaient, palpitants, leur général dont la haute taille et la voix retentissante dominaient toutes les tailles et toutes les voix. Quelle grande scène militaire !… Nous fûmes tous persuadés, entraînés. Nous vîmes se resserrer étroitement entre notre chef et nous, sous l’influence de cette parole qui prouvait la victoire, des liens de solidarité et de confiance qui disaient assez ce que serait la journée du lendemain. »

On sait que le maréchal avait pris pour devise :