Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prétende aujourd’hui, Chateaubriand n’est pas le premier venu dans la république des lettres et il a laissé bon nombre de pages qui sont des plus belles de notre langue et que ne doit pas dédaigner la postérité. Dans le Génie du Christianisme en particulier, si l’auteur avec un grand appareil scientifique, se montre parfois médiocre docteur, faible théologien, polémiste arriéré ; si, comme critique littéraire, il laisse à désirer par exemple lorsqu’il s’emporte à des louanges tellement hyperboliques pour B. Pascal dont « les Pensées tiennent plus du Dieu que de l’homme ; » il n’est que juste de reconnaître que beaucoup de chapitres, tout le livre en particulier relatif à l’histoire naturelle, Instinct des Oiseaux, Migrations des Oiseaux, des Plantes etc., n’ont rien perdu de leur fraîcheur et de leur éclat. Il y a là un souffle puissant, un parfum de grâce et de poésie dont l’âme se sent doucement pénétrée comme d’une rosée céleste. Il en est de même de bien des pages qu’un chrétien seul pouvait écrire et dans lesquelles vibre l’accent de la conviction, le chapitre sur l’Extrême-Onction entre autres, ceux relatifs aux Missions, etc. Sans doute on peut reprocher parfois à l’auteur dans son meilleur langage un peu trop d’alliage et le mélange de locutions profanes ; mais qui sait si ce n’était point une nécessité de l’époque et si, pour être compris de son siècle, il ne fallait pas ce style parfois un peu bariolé et qui s’efforce le plus possible de dérober aux regards ce que Bossuet appelle éloquemment « la face hideuse de l’Évangile ? »

Pour juger sainement du livre et tenir compte à l’auteur de tout le bien qu’il a produit, il faut se rappeler dans quelles circonstances il parut et quel était l’état gé-