Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

extérieur il jugeait devoir être un artisan, et lui demanda :

— Pardon, mon ami, j’aurais une petite question à vous faire.

— Faites, monsieur, l’abbé, je tâcherai d’y répondre de mon mieux.

— Vous assistiez au sermon, je crois. Là, franchement, la main sur la conscience, m’avez-vous toujours entendu, c’est-à-dire compris ? Ce n’est pas un compliment que je vous demande.

— Monsieur le curé, en toute sincérité, voici ce que je puis vous répondre : votre sermon n’était pas comme ceux des autres, il n’y avait pas un seul mot du dictionnaire, tous les mots se comprenaient tout seuls.

Dans le courant de l’année 1795, le jeune prêtre reçut une lettre de l’abbé de Malignon, ancien docteur et professeur en Sorbonne, qui, lors de la Révolution, était passé en Amérique où ses talents et ses vertus, dignement appréciés, trouvaient largement à s’exercer. De Boston qu’ils habitait, il écrivait au jeune de Cheverus, qu’il avait connu naguère en France, pour lui demander de venir l’aider dans l’exercice de son laborieux mais fructueux ministère. L’abbé de Cheverus, assuré que là bas il y avait plus de bien à faire encore qu’en Angleterre où, grâce à la proscription, les prêtres catholiques se comptaient par centaines, partit pour l’Amérique. On pense avec quelles larmes paternelles, le vénérable abbé de Malignon serra dans ses bras et sur son cœur, ce frère ou plutôt ce fils qui lui apportait, dans son lointain exil, avec la joie de sa présence,