Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/278

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III


On eût cru qu’après tant de fatigues, La Condamine devait éprouver le besoin du repos, mais la dispute avec Bouguer à peine terminée, nous le voyons partir pour l’Italie ; il est vrai, qu’en outre de la curiosité du touriste, un motif particulier le portait à entreprendre ce voyage. Il voulait voir Rome et surtout le Souverain-Pontife dont l’accueil fut pour lui des plus bienveillants. Benoit XIV fit à La Condamine cadeau de son portrait en l’interrogeant longuement sur ses voyages, et il lui accorda avec bonne grâce la dispense que le savant sollicitait afin de pouvoir épouser une de ses parentes. Cette démarche, pour le dire en passant, prouve que La Condamine n’était point tout à fait un sceptique à la façon de certains de ses confrères de l’Académie. Du reste, il en fut récompensé, Delille nous l’atteste :

« Sa plus douce consolation, c’était l’attachement de sa digne épouse. Si jamais l’hymen est respectable, c’est surtout lorsqu’une femme jeune adoucit à son époux les derniers jours d’une vie immolée au bien public. La sienne aimait en lui un mari vertueux ; elle respectait un citoyen utile. Cette impétuosité inquiète qui, dans M. de La Condamine, ressemblait quelquefois à l’humeur, loin de rebuter sa tendresse, la rendait plus ingénieuse. Elle le consolait des maux du corps, des peines de l’esprit, de ses craintes, de ses inquiétudes, de ses ennemis et de lui-même ; et ce bonheur, qui lui avait échappé peut-être dans ses courses immenses, il le trou-