comprit mieux la nécessité. Quoiqu’il en soit, retourné à Rouen, il y fit par fortune la connaissance d’un M. de Châlon, ancien secrétaire de Marie de Médécis, qui lui dit un jour :
« Monsieur, vos comédies sont pleines d’esprit ; mais permettez-moi de vous le dire, le genre que vous avez embrassé est indigne de vos talents : vous n’y pouvez acquérir qu’une renommée passagère. Vous trouverez, chez les Espagnols, des sujets qui, traités dans notre goût par un esprit tel que le vôtre, produiront de grands effets. Apprenez leur langue ; elle est aisée : j’offre de vous montrer ce que j’en sais. Nous traduirons d’abord quelque endroits de Guilhen de Castro. »
Corneille accepta et il n’eut qu’à s’en applaudir, car ce fut ainsi qu’il trouva le sujet du Cid accueilli par une explosion d’enthousiasme et des transports dont Pélisson se fait l’écho : « Il est malaisé, dit-il, de s’imaginer avec quelle approbation cette pièce fut reçue de la cour et du public. On ne pouvait se lasser de la voir ; on n’entendait autre chose dans les compagnies ; chacun en savait quelques parties par cœur ; on la faisait apprendre aux enfants, et en plusieurs endroits de la France, il était passé en proverbe de dire : « Cela est beau comme le Cid. »
Maintenant faut-il prendre à la lettre les récriminations des biographes résumées dans ces deux vers de Boileau :
En vain contre le Cid un ministre se ligue,
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.
Est-il bien vrai, comme l’affirme M. Victorin Fabre,