Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« … Je sais combien vous m’êtes attachées, et combien vous désirez qu’il ne m’arrive pas de malheurs. Je t’assure que vous avez bien tort de vous tourmenter si fort ; je vais toujours très-bien ; ma santé est bonne ; ma blessure est entièrement guérie ; je n’en attends plus que quelques autres, pourvu qu’elles soient glorieuses et utiles à mon pays. Que j’aurai de plaisir, chère petite sœur, à te présenter mes cicatrices glorieuses ! Quand la guerre terrible et effroyable qui ravage et dévaste, qui sépare les amis, sera enfin terminée, simple, ignoré, paisible, content d’avoir contribué à rétablir la paix et à repousser les cruels ennemis, les barbares étrangers qui veulent nous faire la loi, je viendrai près de toi et nous ne nous séparerons plus ; nous adoucirons la vieillesse de la bonne maman, nous chercherons à la rendre heureuse…

Je ne crois pas avoir le plaisir de t’embrasser, cette année encore ; l’hiver approche et la campagne ne finit pas ; elle est bien dure. Plains nos malheureux volontaires couchés à terre, dans la boue jusqu’aux genoux et fatigués d’un service pénible et continuel. Plains-moi aussi, chère sœur, je suis élevé à un grade difficile et pénible, que je n’ai accepté qu’avec le plus grand regret. Je suis général de division et commande l’avant-garde ; c’est bien de l’ouvrage pour ton frère que tu sais jeune et pas très-expérimenté… J’espère que la fortune m’aidera, qu’elle me sourira. Si la victoire me couronnait, j’en déposerais les couronnes entre les mains de maman, comme autrefois je lui donnais celles de lierre que méritait mon assiduité au collége. Je lui suis bien attaché à cette bonne mère ; je l’aime