s’empresse d’accepter et, après avoir tout vu de ses yeux, tout examiné à loisir avec l’air du profond intérêt, il quitte la maison en glissant dans les mains de l’abbé un objet enveloppé d’un papier :
« Voici, dit-il, un léger souvenir de ma visite. »
C’était une magnifique tabatière avec le portrait de l’empereur d’Autriche, enrichi de diamants. L’inconnu était Joseph II lui-même. La tabatière et le portrait ne quittèrent plus, dès lors, la poche de l’abbé, mais je doute qu’il en ait été de même des diamants.
Cependant le prince, tout ému encore de sa visite à la maison des sourds-muets, en parla dans les termes les plus chaleureux à sa sœur, la reine Marie-Antoinette, qui voulut à son tour connaître l’établissement et n’en sortit pas moins enthousiasmée. Sans doute elle ne contribua pas peu à appeler sur l’institution l’intérêt de Louis XVI, qui lui accorda, bientôt après, une pension de 6,000 livres sur sa cassette particulière. Il est juste de dire qu’avant cet acte de la munificence royale, le généreux secours du duc de Penthièvre et de plusieurs autres personnes, dans les moments critiques, n’avaient pas manqué à l’Œuvre. Des motifs, tirés de la dignité, ne permirent pas à l’abbé de l’Épée d’accepter les riches présents que Catherine II lui faisait offrir par son ambassadeur ; il n’en témoigna pas moins de sa gratitude, demandant qu’on lui envoyât un jeune russe sourd et muet pour l’instruire, afin qu’il pût à son tour devenir l’instituteur des autres infortunés en Russie, où l’on établirait une école comme cela avait eu lieu pour l’Autriche.