Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/401

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vive des plus aimables, s’il se trouvait dans une société de personnes à lui bien connues et dont la présence lui était tout agréable. Ses yeux alors s’animaient, le sourire s’épanouissait sur ses lèvres ; « il disait tout ce qu’il voulait, et le disait si bien qu’il enchantait les oreilles les plus délicates. » Cette réputation de merveilleux causeur, que lui avaient valu quelques-unes de ces soirées intimes, le faisait singulièrement rechercher par les gourmets… d’esprit et l’on était plus heureux et plus fier d’annoncer La Fontaine à ses convives que ce fameux Lambert dont nous parlent à l’envi La Bruyère et Boileau. Mais plus d’une fois l’amphitryon et ses amis y furent attrapés, témoin cette anecdote :

La Fontaine avait été invité à dîner chez M. Laugeois d’Imbercourt, fermier-général. Racine le fils dit chez M. Le Verrier. Il arriva à l’heure précise, prit place à la table, mangea du meilleur appétit, mais sans répondre autrement que par des monosyllabes ou par le silence aux interrogations du maître de la maison et des conviés. Puis comme, avant la fin du repas, il se levait de table, s’excusant sur la nécessité pour lui de se rendre à l’Académie, on lui fit remarquer qu’il était de bonne heure encore et qu’il avait peu de chemin à faire.

« Je prendrai le plus long ! » répondit tranquillement La Fontaine et le voilà parti. Une autre fois, « trois de complot, dit Vigneul de Marville[1] par le moyen d’un quatrième qui avait quelque habitude auprès de cet homme rare, nous l’attirâmes dans un petit coin de la ville, à une maison consacrée aux Muses, où nous lui

  1. Mélanges.