Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un artilleur, trop docile à la voix des furieux, approche du canon la mèche enflammée, qu’un officier, Desilles, lui arrache des mains, en même temps qu’il se précipite devant la bouche du canon en criant d’une voix vibrante :

— Mes amis, à quoi pensez-vous ? ne tirez pas ! ce sont des braves comme vous, des compatriotes, des frères ! L’Assemblée nationale les envoie ; voulez-vous désobéir, déshonorer notre drapeau ?

Vaines supplications ! on l’arrache violemment du canon, mais il se précipite aussitôt sur une pièce de vingt-quatre à laquelle on allait mettre le feu et s’asseoit sur la lumière en se cramponnant des deux mains au bronze et murmurant :

— Non, non, vous me tuerez plutôt ! Au nom de la France, mes amis, ne permettez pas cette guerre fratricide, impie…

Il n’achève pas. Quatre coups de feu partis de divers côtés, l’atteignent à la fois ! Tombé du canon, foulé aux pieds, menacé par les baïonnettes, il est enlevé tout sanglant par un brave garde national du nom de Hœner, qui lui fait un rempart de son corps. « Cependant, dit Bouillé dans ses Mémoires, les canons partent et jettent par terre cinquante ou soixante hommes de l’avant-garde ; le reste, suivi des grenadiers français, se précipite avec furie sur les canons, ils s’en emparent ainsi que de la porte de Stainville que ces canons défendaient, » et facilitent le passage aux troupes. L’insurrection put ainsi être réprimée.

Cependant le jeune Desilles, transporté dans une maison voisine, vit poser le premier appareil sur ses bles-