Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/80

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finie dont il lui avait fallu payer sa gloire. Peu de destinées ont été plus douloureuses ; mais on ne peut se dissimuler que, la surdité à part, le caractère de l’artiste fut pour quelque chose, pour beaucoup même, dans ses ennuis. « Bon, généreux et porté à l’obligeance, simple et naïf, dit M. Fétis, il était complètement étranger à toute manœuvre, car il avait autant de justice que de noblesse dans l’âme, et l’on peut affirmer que la pensée d’une action mauvaise envers quelqu’un n’est jamais entrée dans son esprit. » Mais enclin à l’orgueil, et comme le personnage de la comédie « nerveux en diable et voulant pouvoir se mettre en colère » il céda trop facilement aux emportements de son humeur qui faisait explosion par instants avec une violence dont lui-même ne se rendait pas compte.

À une soirée musicale chez le comte de Browne, qui réunissait dans ses salons l’élite de la capitale, Beethoven et Ries (son élève) devaient jouer un morceau à quatre mains. Ils avaient déjà commencé lorsque le jeune comte de P…, placé à l’entrée du salon, troubla le silence en parlant à une dame de la société. Après quelques efforts inutiles pour faire cesser cette conversation, Beethoven, arrêtant sur le clavier les mains de Ries, se leva brusquement et dit tout haut : « Für solche schweine spiele ich nicht : Je ne jouerai pas devant de semblables pourceaux. » Qu’on s’imagine la rumeur causée par cet incident. « Tout autre que Beethoven, dit Anders, aurait été mis à la porte. »

À plusieurs reprises les vivacités de son humeur le brouillèrent avec son orchestre. « Beethoven, repoussé de la salle et désirant néanmoins entendre son œuvre à