Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/17

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d’une science musicale assez profonde, si peu de prix à l’instrumentation de ses ouvrages qu’il en chargeait d’habitude un confrère. Lorsqu’on lui parlait de ces effets d’harmonie et d’instrumentation qui en musique sont à la mélodie ce qu’en peinture la couleur est au dessin, il répondait :

« Je connais quelque chose qui fait plus d’effet que tout cela.

— Quoi donc ?

— La vérité !

« Ce mot peint Grétry d’un seul trait, dit le savant critique déjà cité ; il est rempli de justesse, mais celui qui le disait ne voyait pas que dans les arts la vérité est susceptible d’une multitude de nuances et que, pour être vrai, il faut être coloriste autant que dessinateur. »

Grétry était très heureusement doué d’ailleurs ; les lacunes de son talent provenaient, comme on l’a vu, de son éducation première incomplète, et de cette impatience de produire qui d’ordinaire tourmente les jeunes gens et ne leur laisse pas de temps pour l’étude. Lui-même en fait l’aveu : « Je n’eus pas assez de patience pour m’en tenir à mes leçons de composition ; j’avais mille idées de musique dans la tête ; et le besoin d’en faire usage était trop vif pour que j’y pusse résister. » (Essais sur la musique.) « Telle est la cause, dit Fétis de l’ignorance où Grétry est resté toute sa vie des procédés de l’art d’écrire la musique. » De là aussi la réaction dont nous sommes aujourd’hui témoins, réaction qui va jusqu’à l’injustice et fait qu’on parle presque avec l’air du dédain « de l’homme de génie, » qui a écrit tant de chefs-d’œuvre au point de vue de l’expres-