Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/216

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tion, espoir de la patrie ; si, devenus les favoris de la fortune, ni les honneurs, ni l’opulence n’ont affaibli cet amour, ni ralenti cet intérêt, ni changé la bonté naïve, qui encourage et féconde, en orgueil superbe qui repousse et flétrit les jeunes âmes, arrêtons-nous à la vue d’un si beau spectacle. Disons hardiment que ces hommes, par une telle constance, font honneur à la société. Au lieu de glaner avec malignité dans les détails de leur existence orageuse et traversée, pour y faire la part à la faible humanité, moissonnons largement dans le champ de leurs grandes pensées, de leurs chefs-d’œuvre et de leurs belles actions. Honorons-les pendant leur vie. Et quand la mort nous les enlève, accordons sans hésiter à leurs mânes le tribut de nos éloges, de nos regrets et de notre vénération. »

Ainsi s’exprime M. Charles Dupin au début de son Essai historique sur Gaspard Monge, et ces nobles paroles pouvons-nous mieux faire, en commençant ce récit, que de les reproduire, heureux de pouvoir nous les approprier.

Monge (Gaspard), né à Beaune en 1746, avait pour père un homme d’un grand sens, et « à qui, dit de Pongerville, la justesse d’esprit et les qualités du cœur, tinrent lieu de rang et de fortune. » Simple marchand ambulant, dans ses courses autour de la ville de Beaune, il ne dédaignait pas d’aiguiser des couteaux comme les ciseaux des ménagères bourguignonnes. Son commerce d’ailleurs était lucratif, puisqu’il put donner à ses trois fils une éducation libérale, comme ou dirait aujourd’hui, et supérieure à leur condition. Gaspard, l’aîné, sorti du collége de sa ville natale après avoir remporté tous les