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III

À dater de ce jour en effet, Monge compta parmi les amis du général, et il fut du petit nombre de ceux qu’il honorait d’une pleine confiance. Comme Berthollet il suivit Bonaparte en Égypte où il rendit d’importants services. Le premier, il présida l’Institut fondé au Caire sur le modèle de celui de Paris et dont le général en chef, qui l’avait fondé, ne voulut accepter que la vice-présidence.

Un journal scientifique et littéraire, la Décade Égyptienne, rendait compte des séances de l’Institut. Dans ce recueil parut le curieux mémoire de Monge relatif au mirage. On raconte que Bonaparte, prenant au sérieux son titre de membre de l’Institut d’Égypte, voulut aussi présenter son mémoire, fort encouragé par tous ceux à qui il fit part de son projet et qui songeaient moins à le contredire qu’à le flatter. Monge y mit plus de franchise et lui dit rondement :

« Général, vous n’avez pas le temps de faire un bon mémoire ; or, songez qu’à aucun prix vous ne devez en produire un médiocre. Le monde entier a les yeux fixés sur vous. Le mémoire que vous projetez serait à peine livré à la presse que cent aristarques viendraient se poser fièrement devant vous comme vos adversaires naturels. Les uns découvriraient, à tort ou à raison, le germe de vos idées dans quelque auteur ancien et vous taxeraient de plagiat ; les autres n’épargneraient aucun sophisme dans l’espérance d’être proclamés les vainqueurs de Bonaparte. »