Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/327

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l’un lui faisant prendre tous les événements avec trop de sensibilité, et la tranquillité de l’autre la faisant paraître presque insensible aux mêmes événements. »

J’en demande pardon à Louis Racine, mais la poésie, telle qu’on doit le comprendre, n’est point, et à Dieu ne plaise ! un simple amusement de l’esprit, lui-même il en a donné la preuve dans son poème sur la Religion. Madame Racine eût pu n’être pas moins pieuse, moins attachée à ses devoirs de mère de famille, tout en se rendant capable de s’entretenir avec son mari de ce qu’elle savait lui être le plus cher. Qu’elle n’ait pas compris que c’était pour elle un bonheur autant qu’un devoir de tâcher d’être de moitié dans toutes ses affections, c’est ce qui fait très peu d’honneur à son intelligence de femme et de chrétienne, je pourrais dire à son cœur. N’y aurait-il point un brin de jansénisme là-dessous ?

À quelque temps de là, Racine fut nommé historiographe du roi en même temps que Boileau. Lors de leur première campagne, celui-ci, apprenant que Louis XIV s’était si fort exposé qu’un boulet de canon avait passé à quelques pas du prince, alla vers lui et lui dit :

— Je vous prie, sire, en ma qualité de votre historien, de ne pas me faire finir sitôt mon histoire.

Quelque agrément qu’il pût trouver à la cour. Racine y mena toujours une vie retirée, partageant son temps entre quelques amis et ses livres. Sa plus grande satisfaction était de revenir passer quelques jours dans sa famille, et lorsqu’il se retrouvait à sa table avec sa femme et ses enfants, il disait qu’il faisait meilleure chère qu’aux tables des grands.