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ROBINSON




Je lisais, il y a quelque temps, dans une vie de Bernardin de Saint-Pierre, une anecdote assez curieuse à propos du livre si populaire de Daniel de Foë, le Robinson Crusoé. Cette anecdote, peut-être mon lecteur ne la connaît pas et il me saura gré de la raconter, d’autant plus qu’elle m’a suggéré des réflexions qu’il pourra goûter, s’il ne les trouve pas singulières et même un peu baroques. Je lui laisse à cet égard toute liberté. Mais d’abord, avant de conter l’anecdote, il ne serait pas mal de dire quelques mots de Daniel de Foë, moins connu et moins célèbre que son héros. La vie de cet écrivain, quoique peu semée d’événements, ne laisse pas d’avoir son intérêt et peut suggérer aussi quelques réflexions utiles.

Daniel de Foë, né à Londres en 1663, était fils d’un petit boucher, et lui-même, par le manque de fortune, semblait destiné à la plus modeste carrière. Adolescent à peine, il entra, en qualité d’apprenti commerçant, chez un bonnetier. C’est au fond d’une arrière-boutique et dans la prosaïque atmosphère d’un magasin que le goût des lettres se développa chez le jeune Daniel ; et chose à noter, ce goût lui fut inspiré d’abord par la passion politique : il comptait vingt-et-un ans à peine lors-