Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/46

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« Heureux contiuuateur des efforts de Vaucauson, qui comme lui a perfectionné les machines à tisser, Jacquard a inventé une machine bien simple et peu coûteuse, à la portée de la classe pauvre des tisseurs, qui a formé une époque mémorable et une nouvelle ère dans l’art des tissus. Cet art a éprouvé une révolution complète ; l’ouvrier n’est plus qu’une machine à mouvement qui produit sans peine promptement et à bon marché des étoffes ornées des dessins les plus riches et les plus compliqués, que leur prix modéré met à la portée de toutes les classes de la société. Cette machine, loin de diminuer le nombre des ouvriers employés au tissage des étoffes, l’a au contraire décuplé ; elle a fait élever d’innombrables manufactures de tissus dans toute l’Europe et donné au commerce de ce genre une activité et une extension inouïes. »

Bien éloignés de prévoir ces merveilleux résultats, les ouvriers tisseurs, craignant de manquer de travail, se liguèrent pour empêcher l’introduction du nouveau métier dans les ateliers ; on raconte que plusieurs d’entre eux, afin de prouver qu’il fonctionnait mal, gâtèrent les étoffes ; d’autres brisèrent ou brûlèrent les machines. Bien plus, certain jour, Jacquard étant tombé au milieu d’un groupe qui le guettait sans doute, fut traîné vers le Rhône, et il allait être précipité du haut d’un pont dans le fleuve, lorsqu’il fut arraché des mains de ces furieux.

À force de persévérance, néanmoins, l’inventeur, soutenu et encouragé par les fabricants les plus intelligents, finit par triompher ; et, vers 1812, on comptait dix-huit mille métiers battant à la Jacquard ; mainte-