Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/70

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de Châteaubriand « une femme dont l’esprit va de pair avec le nom, un soir, fatiguée d’enseignement, de professeurs de lycées, » ne put s’empêcher de murmurer :

L’ennui naquit un jour de l’Université !

Les causeurs sourirent, mais l’entretien continua toujours sur le même sujet. Cependant, aussitôt que les circonstances le lui permirent, Joubert reprit ses études et ses lectures, j’allais ajouter, son journal ; mais je ne crois pas qu’il l’ait jamais sérieusement interrompu et il ne se passait pas de jour où il n’écrivît, le plus souvent au crayon, ses réflexions ou ses impressions. Je me trompe en disant que le journal ne fut pas suspendu, même avant le jour où pour jamais le crayon devait échapper à sa main défaillante ; car sur un feuillet on lit : « Du jeudi 7 juin au jeudi 12 juillet : ma grande maladie ! Deo gratias ! »

Deo gratias ! Joubert, ce philosophe chrétien, est tout entier dans ces deux mots ! Et quand, bien des années après, viendra l’instant solennel, où il lui faudra se séparer de tous ceux qui lui sont chers, de sa femme, de son fils, d’un frère plus jeune dont la famille est devenue la sienne, il ne se montrera pas moins admirable de calme et de résignation sereine :

« Dans les premiers mois de l’année 1824, les indispositions de M. Joubert se montrèrent plus graves et plus longues ; l’équilibre longtemps maintenu entre toutes ses faiblesses se rompit ; sa poitrine s’engagea, et bientôt le docteur Beauchêne, son vieil ami, présagea avec douleur une fin que son art ne pouvait conjurer.