Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/82

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L’annonce de cette grande et solennelle expérience avait attiré sur les quais, sur les ponts, des milliers de spectateurs et de curieux, parmi lesquels ne manquaient point ou même dominaient les incrédules, et à chaque pas s’entendaient des conversations comme celle-ci :

— Croyez-vous qu’il réussisse ? Pour ma part j’ai peine à croire que nous ne nous soyons pas dérangés pour rien.

— Je m’étonnerais qu’il en fût autrement.

— Voyez donc l’énorme machine que ce bateau ! C’est une vraie baleine, un monstre marin ! Se peut-il qu’on mette en mouvement pareille masse sans le secours des rames ou de la voile ? C’est bien comme on dit vouloir prendre la lune avec… vous savez le proverbe.

— Oui ! oui ! Pourtant on dit que l’inventeur n’est ni un sot, ni un écervelé, et pour risquer dans une telle entreprise la meilleure part peut-être de sa fortune, il faut qu’il soit presque sûr par ses calculs, ou même par l’expérience…

— Bah ! bah ! Un homme à projets ! ces gens-là ne doutent de rien ! Des fous le plus souvent ! Il viendrait à quelqu’un d’eux l’idée de grimper dans la lune qu’ils dépenseraient sans sourciller tout leur avoir pour la construction des échelles ou tout au moins d’une machine ad hoc. Il paraît même, d’après les papiers publiés, qu’à Paris sérieusement on y pense et que Phaéton ne doit pas tarder à avoir des successeurs !

— Eh ! mais, eh ! mais !… voyez donc le dernier coup de cloche à peine a retenti comme signal du départ, et voici la lourde machine qui s’ébranle, qui se remue et