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Page:Bourassa - Jacques et Marie, souvenir d'un peuple dispersé, 1866.djvu/301

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notes historiques

« Pauvres objets de soupçon que nous sommes ! et nos représentants admettront par leurs votes, délibérément donnés, que nous méritons par notre passé et notre présent ces outrages légalisés ! »

je voudrais pouvoir citer encore les paroles du même député au sujet du projet de loi présenté par l’Hon. M. Langevin, pour satisfaire aux exigences de la minorité protestante du Bas-Canada, et qu’une majorité bas-canadienne se préparait encore à voter, quand est venue la protestation unanime des évêques des deux provinces ; je ne pourrais rien dire de mieux pour justifier ce que j’ai écrit, mais ce serait trop long.

D’ailleurs, près de trois cents de ceux qui sont arrivés dans cette province ont déjà péri de maladie et de misère. Page 171.

Voici comment s’exprime sur leur sort, la pétition qu’ils adressèrent au roi :

« C’est ainsi que nous, nos vieux parents et nos grands parents (hommes d’une entière intégrité et d’une fidélité inviolable à Votre Majesté), nos femmes et nos enfants innocents, tous devinrent les victimes malheureuses de ces vaines craintes ; nous fûmes transportés dans les colonies anglaises, et cela d’une manière si précipitée, avec si peu d’égard pour les premières nécessités de la vie et pour les liens les plus naturels et les plus tendres, qu’un grand nombre furent arrachés à une douce vie sociale et à une heureuse aisance pour être plongés dans une situation où le nécessaire même leur manque : les parents furent séparés des enfants, les maris d’avec leurs femmes, et un grand nombre ne se sont pas encore retrouvés ; et dans les vaisseaux nous fûmes si entassés que nous n’avions même pas assez de place pour nous coucher tous en même temps, et par conséquent ne pûmes loger avec nous des objets dont nous aurions eu grand besoin, surtout pour le soulagement et le soutien des vieillards et des personnes faibles ; beaucoup d’entre eux moururent et finirent ainsi leur misère. Et même ceux qui parmi nous avaient beaucoup souffert de la part des ennemis de Votre Majesté à cause de leur attachement à Votre Majesté, ne furent pas épargnés dans la calamité commune : René Leblanc, le notaire publie dont nous avons déjà parlé, en est un exemple frappant. Il fut saisi, renfermé et transporté avec le reste de la population ; et sa famille, comprenant vingt enfants et à peu près cent cinquante petits enfants, furent dispersés dam des colonies différentes, de manière que lui-même fut laissé à New-York, seulement avec sa femme et deux de ses plus jeunes enfants, dans un état de santé pitoyable : de là il parvint à se rendre à Philadelphie, où il retrouva trois autres de ses enfants : il y mourut sans qu’on fît la moindre attention à lui plus qu’à aucun autre d’entre nous, malgré les nombreuses années de service et de souffrances consacrées au service de Votre Majesté.

« La misère que nous avons eue à supporter depuis peut à peine être dépeinte ; nous avons été réduits à un travail pénible pour pouvoir nous soutenir, et cela dans un climat chaud, si contraire à notre constitution, que la plupart d’entre nous ont succombé à la maladie, ne pouvant ainsi subvenir aux besoins de nos familles ; nous voici donc menacés de ce qui, pour nous, est la plus grande des souffrances, celle d’être obligés de nous séparer de nos enfants, pour les engager à des étrangers, et les voir exposés à des maladies contagieuses inconnues dans notre pays natal.

« Et quand on compare cet état à l’aisance et à la richesse dont nous jouissions, cela rend notre condition bien misérable. Déjà, dans cette seule province de Pensylvanie, deux cent cinquante d’entre nous, c’est-à-dire plus de la moitié de ceux qui ont été transportés ici, sont morts de misère et de différentes maladies. Dans l’extrémité de notre peine et de notre misère, nous n’avons, après Dieu, d’autre recours que Votre Majesté pour en attendre secours et réparation. Par la présente, donc, nous implorons votre protection, et demandons un examen véritable et impartial de notre cause, et espérons que Votre Majesté nous accordera tous les secours que, dans votre justice et votre clémence, vous trouverez nécessaire de nous donner dans l’état où nous sommes ; nous nous ferons alors un devoir de prier, etc, — Haliburton, Hist. Nov. Scol., p. 183.

« Cette supplique ne reçut aucune considération, et on laissa les Acadiens languir et mourir dans les colonies du Sud. Ceux à qui l’on permit plus tard de retourner dans leur pays, s’établirent où ils purent, car les terres qu’ils avaient possédées étaient entre les mains des autres. — McGregor’s, Brit. Amer.