Page:Bourdaret - En Corée.djvu/79

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en chantant à tue-tête les nombres avec des modulations variées.

Plus loin une bonne vieille a installé un restaurant en plein air, au pied du mur du canal, où elle peut mieux abriter ses clients et son feu de la brise glacée, et pour être, sans doute, plus près de l’eau avec laquelle elle fait cuire son riz. Un consommateur accroupi déguste un bol de riz aux haricots, tandis que les badauds (ils sont légion ici) restent des heures entières à contempler cette auberge improvisée et à humer le peu d’air chaud qui monte du foyer. C’est une scène absolument typique. La bonne vieille, assise à la bouddha sur une natte de paille, souffle gravement son feu.

Pour reconnaître un débit de vin (lequel vin est de l’alcool de riz) il suffit de lever la tête, pas très haut, car les maisons sont assez basses pour qu’on en puisse toucher les tuiles ou le chaume avec la main, et partout où l’on voit des paniers en osier se balancer à l’extrémité d’une perche, avec un drapeau au-dessous, on peut frapper sans crainte de se tromper. Mais je ne conseille guère d’entrer au voyageur qui espère trouver là une « maison de thé » japonaise, une « tchaya » où de gracieuses servantes donnent gentiment, avec forces sourires, le saké brûlant dans de minuscules tasses, pendant que les mousmés chantent en s’accompagnant du « shamissen ». Chez le marchand d’alcool coréen, point n’est besoin de quitter ses chaussures afin de ne pas souiller les « tatamis » ou nattes de paille blanche de l’établissement. Ici, point d’étage, point de plancher, point de nattes ; une étable peut très bien devenir, sans aucune réparation, un luxueux débit de vin.