Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

précipiter contre les parois de sa poitrine et la soulever jusqu’à la rompre, et, d’autres fois, ce cœur douloureux était si faible, si faible, que son oreille terrifiée n’en percevait plus la fragile pulsation. Les médecins l’avaient avertie que la mort guettait et pouvait, à tous les instants du jour, sans symptôme préalable, le saisir. Dans ces secondes angoissées où elle se penchait sur une poitrine muette, savait-elle si la vie ne l’avait pas déjà désertée ?… Lui, dans les intervalles de la souffrance, demeurait silencieux. Sa grande âme stoïque était sans colère et sans faiblesse. Il était calme et grave. Sentait-il venue l’heure de son destin ? Souffrait-il ? Espérait-il encore ? Il se taisait. Et son œil aigu attestait la sérénité de sa pensée.

J’ai devant moi, tandis que j’écris, une photographie lugubre, qui montre le malade, dans ces affreux jours, étendu sur son lit, ses puissantes mains jointes sur le drap. Je ne puis la contempler sans un saisissement. On n’y aperçoit d’abord que l’énorme front dénudé et bossué, et des yeux brillants, profonds, terribles, où la vie, à l’heure de sa