Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/207

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enchantée a passé comme le rêve d’un instant. Elle s’achève, et je voudrais l’étreindre, la retenir avant qu’elle soit devenue du passé.

Je regarde le maître sans parler, âprement, puérilement obstiné à m’envelopper de la flamme de ses yeux, du rayonnement de son bon génie. Comprend-il, à cette minute, tout ce qui s’agite en moi de ferveur passionnée, d’exaltation tendre, et aussi d’impuissance désespérée de ne pouvoir saisir de lui tout ce que j’en voudrais garder et déposer au fond de mon cœur ?

Il se tient immobile, ses yeux sur les miens, et, debout dans sa blouse grise, un pouce suspendu à sa ceinture de cuir, inclinant son vaste front serein, il m’apparaît infiniment noble, infiniment généreux, infiniment grand.

J’ai connu la beauté hospitalière de cette maison, et toute la grâce qu’y disperse une femme incomparable, et toute la beauté morale qu’on y aspire… Y reviendrai-je jamais ? Reverrai-je l’hôte auguste ?… J’éprouve à la fois toute la puissante allégresse des heures que j’ai vécues ici, et la peine que ces heures aient été si courtes, et l’anxiété de ne plus