Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/85

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que lui. Il avait vu naître, il avait vu grandir la petite fille. Du plus lointain de sa petite enfance, elle apercevait, au foyer familial, l’ami tout jeune encore, presque le frère cadet de la maman, charmant et bon, et qui se mêlait à ses jeux, mais grave déjà, et sa parole mesurée retentissait à ses oreilles d’enfant comme eût fait le verbe de la sagesse éternelle. La petite fille avait une sérieuse déférence pour le grand jeune homme. Peut-être l’aimait-elle obscurément. Mais sait-on jamais ce qui s’agite dans le cœur et l’âme des petites filles ? Et peuvent-elles le discerner elles-mêmes ? Ce dont elle se souvient très bien, c’est qu’elle le vénérait. Elle le regardait comme « le bon Dieu », comme un jeune bon Dieu excessivement séduisant, mais bon Dieu tout de même par ce qu’elle pressentait de la majesté de son esprit.

Et n’était-il pas, pour elle, le bon Dieu ? Qu’est-ce que le bon Dieu pour une petite fille ? Il la distrayait, il l’aimait, il lui parlait ; elle n’entendait de sa bouche que des propos véridiques et élevés ; elle devi-