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le mystérieux monsieur de l’aigle

— Topez là, Séverin ! s’écria Zenon.

— Cher bon Séverin ! s’exclama Magdalena, entourant de ses bras le cou du brave garçon. Rien ne nous sera plus agréable que de vous avoir avec nous toujours ! N’est-ce pas mon oncle ?

— À partir de ce moment, vous êtes de la famille, Séverin, dit Zenon. Aussitôt que vous le pourrez, arrivez-nous pour tout de bon.

— Et que ce soit bientôt ! fit Magdalena. Entendez-vous, Séverin ?

— Mes amis… Mes bons amis… balbutia Séverin, puis il s’essuya les yeux avec son mouchoir. Satanée pipe ! ajouta-t-il ; elle m’envoie toujours de la fumée dans les yeux !

Zenon et Magdalena sourirent ; eux aussi avaient les paupières humides.

— Si vous le voulez, M. Lassève, proposa Séverin, nous nous installerons une petite boutique dans votre remise. Il n’y aurait qu’à faire une cloison puis nous pourrons chauffer cette boutique avec un poêle à l’huile ; j’en ai un, à la maison, qui chauffe comme un engin.

— Vous pourrez travailler dans la maison, tous deux, Séverin, dit Magdalena. Vous aurez plus chaud et…

— Oui, je sais, Théo… Mais pour les gros ouvrages, puis le vernissage, une boutique à part vaudrait infiniment mieux.

— Nous ferons la cloison ; ce sera une affaire de rien d’ailleurs.

— Oui. À nous deux, M. Lassève, ça ira vite.

— Nous nous mettrons à l’œuvre, quand vous le désirerez, Séverin.

— Quant à la question d’un cheval, reprit Severin, inutile de dire qu’elle se trouve toute réglée, n’est-ce pas ?

— Rex… murmura Magdalena.

— Mais, oui, Théo, Rex ! Et c’est lui qui va être tout fier, quand, je le conduirai ici et que nous l’installerons dans sa maison neuve… je veux dire l’écurie confortable que vous avez construite, M. Lassève, ajouta-t-il.

— Pensez-y, mon garçon, si nous allons en avoir un beau cheval, hein ! fit Zenon, en riant et s’adressant à la jeune fille. Moi qui n’avais rêvé rien de mieux qu’un simple cheval de travail… pas cher…

— Quant au foin et à l’avoine, continua Séverin, je n’aurai qu’à en faire transporter de ma grange, sur ma terre. Il y en a en quantité, vous le pensez bien ! Je ferai charroyer aussi du bois, de ma terre à bois, pour l’hiver ; il y en a de coupé…

— J’en ai du bois, vous savez, Séverin.

— Oui, je sais, fit-il avec un sourire amusé. Mais, vous n’avez pas d’idée de ce que sont nos hivers ; il vaut mieux y être préparé. Le bois, voyez-vous, ça passe comme de la paille, durant les grands froids.

— Et vous viendrez bientôt vous installer ici, Séverin ? demanda Magdalena. Cette semaine peut-être ?

— Je le voudrais bien, cher enfant ; mais il va falloir attendre que le grand pont soit construit, avant que je puisse déménager… Non que j’aie grand’chose à déménager ; seulement, il y a le pupitre qui appartenait à ma mère, et la chaise qui va avec…

— Oh ! je m’en souviens de ce pupitre ! s’écria la jeune fille. Cette bonne Mme Rocques en était si fière, parce que c’était vous qui l’aviez fait. C’est un meuble si coquet, si beau !

— Le pupitre contient des casiers, des tiroirs, et une grande place pour écrire. C’est un meuble auquel je tiens fort, à cause de l’attachement qu’y avait ma mère. Puis il y a un fauteuil, et aussi une chaise berceuse, qui trouvera facilement place dans la chambre à coucher de Théo.

— Il y a place, dans La Hutte pour toutes choses auxquelles vous tenez, Séverin, croyez-le, dit Zenon.

— Merci, M. Lassève ; mais c’est à peu près tout… excepté la lingerie : draps de lits, taies d’oreillers, serviettes, couvre-pieds, et choses de ce genre, puis un tout petit service à thé en véritable porcelaine, auquel ma mère tenait beaucoup… Et c’est tout.

— En fin de compte, fit Zenon en souriant, c’est vous qui nous faites une faveur, et une grande, en venant demeurer avec nous !

— C’est vrai, dit Magdalena, La Hutte va devenir une maison si bien montée, que nous allons être obligés d’en changer le nom.

— Maintenant, parlons du pont ; il va falloir nous y mettre bientôt.

— Nous nous y mettrons dès demain, si vous le désirez, M. Lassève.

— Je suis de votre avis, Séverin. Le plus tôt nous nous y mettrons, le plus tôt il sera prêt…

— Et le plus tôt Séverin s’en viendra s’installer ici, acheva Magdalena.

— Nous commencerons donc demain, décida Zenon.

Malgré toute la diligence qu’ils y mirent cependant, ce n’est qu’à la fin du mois de novembre que le pont fut terminé et que Séverin put déménager et s’installer, pour toujours, tous l’espéraient, à La Hutte. Rex fut installé dans sa « maison neuve » ; l’express, la cariole et le sleigh furent rangés dans la remise ; la grange regorgeait de foin et d’avoine ; la cloison, séparant la remise de la boutique, était faite ; le pupitre et autres meubles ; la lingerie, la vaisselle étaient à leur place dans La Hutte, et nos amis étaient heureux.

Mais lorsque, dans le mois de décembre, Séverin annonça qu’il irait passer le temps des « fêtes » à Lévis, chez sa tante Lefranc, la seule sœur de sa mère, Zenon et Magdalena se sentirent tout attristés.

— Pourquoi ne m’accompagnez-vous pas ? demanda Séverin.

— Impossible ! s’écria Zenon.

— Vous êtes invités, tous deux, vous savez ! Tiens, Théo, lis donc tout haut cette page de la lettre de ma tante.

Magdalena lut ce qui suit :

« Tu me parles sans cesse de M. Lassève et du jeune Théo, son neveu, chez qui tu demeures maintenant, cher Séverin, et je suis bien contente de savoir que tu as de si bons amis. Rien ne nous ferait plus plaisir, à tous, ici, que s’ils voulaient t’accompagner, lorsque tu viendras passer les fêtes avec nous. Invite donc M. Lassève et son neveu, de ma part et de la part de toute la famille. M. Lassève