Page:Bourgeois - Manuel historique de politique étrangère, tome 2.djvu/13

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ressenties dans les dangers de leurs premières tentatives, par la fierté qu’ils éprouvèrent à les avoir repoussés, par le développement de leurs ambitions victorieuses, ils ne distinguèrent plus l’objet véritable de leurs entreprises. Ils conquirent, partagèrent avec les rois et par leurs procédés l’Europe à qui ils avaient promis d’autres destinées. En sorte que leur propagande aboutit, comme la Réforme, à un bouleversement de l’Europe caractérisé par les pires injustices et des spoliations odieuses.

Dans ce bouleversement, d’ailleurs, les Français éprouvèrent le besoin d’être forts et sacrifièrent leur liberté à la nécessité d’un gouvernement militaire : la nation abdiqua sa souveraineté pour trouver dans les ressources de l’État napoléonien les moyens de fixer et d’accroître sa puissance. Par là, si elle reprit le rang que les hésitations des Bourbons lui avaient fait perdre au dix-huitième siècle, le premier un instant, ce fut au mépris du jugement qu’elle avait porté sur la politique de l’ancien régime, par l’exagération même de cette politique, qu’elle paya bien cher en 1815.

Dans cet intervalle cependant, la gloire de la France avait paru si grande, après un siècle d’éclipse, qu’elle ne s’aperçut point de l’abandon de ses principes, et n’y fut pas ramenée par les désastres de Leipzig et de Waterloo. Singulier état d’esprit que le sien, après 181S ! Les souvenirs de la conquête se mêlaient en elle au désir de la liberté, et le goût des aventures militaires, l’admiration de l’empire aux passions de l’époque républicaine.

Ces contradictions n’étaient guère faites pour rendre à l’Europe confiance dans la Révolution. Que pouvaient valoir à ses yeux des principes de justice et de désintéressement, associés aux maximes de la raison d’Etat et de la conquête, proclamés par des admirateurs et par les héritiers de Napoléon ? Elle avait pu déjà, au temps où ils parurent, douter de leur efficacité. Elle en vint à craindre justement le retour de leurs conséquences pratiques et leur application fertile en bouleversements. Elle préféra le passé avec ses