Page:Bourgeois - Manuel historique de politique étrangère, tome 2.djvu/8

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dans notre histoire une date trop importante pour n’être pas considéré comme une ère nouvelle. C’est le point de départ de mouvements politiques et sociaux qui sont la substance même de notre vie intérieure depuis 1789. Il n’en est pas ainsi de cette date au point de vue de l’Europe et de nos rapports avec elle. On ne peut plus dire aujourd'hui, comme Mignet : « La Révolution devait changer la politique de l’Europe ; elle devait terminer la lutte des rois entre eux, et commencer celle des rois contre les peuples. »

L’étude impartiale de notre siècle n’est qu’un perpétuel démenti donné par les faits à cette conception qui se ressent par trop de l’enthousiasme de nos pères et de leurs illusions généreuses. Leur effort a modifié les conditions de la société française. Il n’a pas, hélas ! à ce point bouleversé et régénéré la société européenne des rois et des nations.

A la veille de la Révolution française, le monde politique se composait d’États souverains, qui n’admettaient d’autre droit que leur intérêt, et trouvaient bons tous les moyens de le servir, ruse ou violence. C’était une société, si l’on veut, mais anarchique, reposant sur un état de lutte sourde ou déclarée, dans laquelle les petits succombaient, sans défense et sans protestations, aux convoitises des grands associés pour le partage de leurs dépouilles, où les plus forts eux-mêmes se surveillaient et s’épiaient pour s’agrandir ou ne pas décroître. La guerre de la Succession d’Autriche et le partage de la Pologne furent les actes les plus clairs de cette communauté d’intrigues et de violence entre les rois.

Il ne paraît pas qu’après 1789, une politique différente se soit imposée aux rois de l’Europe, ni à leurs États, ni à leurs ministres. On les a vu déclarer aux idées et aux hommes de la Révolution des guerres de principes et s’unir au nom d’un droit monarchique, suranné peut-être ; plus légitime du moins que la raison d’État et la force. Mais on les a vus d’autre part abandonner simultanément Louis XVI,