Page:Bourgeois - Manuel historique de politique étrangère, tome 3.djvu/810

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Andrassy. Dès le mois de janvier 1878, deux mois avant San-Stefano, l’Angleterre s’efforçait d’amener à cette entente la France, où le gouvernement républicain, définitivement établi, prenait conscience de sa force et des ressources du pays reconstitué. Au ministère Decazes, « ministère de temporisation », disait M. d’Harcourt, notre envoyé en Angleterre, « tel que le comportait un état de faiblesse temporaire, avait succédé un ministère capable de se préoccuper des événements extérieurs. » De Londres, Beaconsfield fit dire au nouveau chef de la diplomatie française, M. Waddington : « Est-ce que votre gouvernement ne se mettrait pas en avant pour la défense des grands intérêts qui nous sont communs ? Le moment est venu de vous expliquer. Vous ne pouvez guère tarder, si vous voulez prendre votre place. » M. d’Harcourt remarqua qu’Andrassy tenait à Vienne le même langage à M. de Vogué. L’Italie recevait de l’Allemagne les mêmes avances. C’était décidément la volonté des États armés pour régler la paix à leur convenance qui devait, après avoir ouvert cette crise, en formuler les conclusions.

La Russie défendit pendant deux mois son œuvre et ses positions. Elle essaya d’abord d’esquiver la Conférence européenne à qui les puissances prétendaient soumettre les stipulations du traité de San-Stefano. Elle demanda ensuite que l’examen se fît non pas en conférences, mais dans un congrès réuni à Berlin sous la présidence de Bismarck. Elle espérait que l’Allemagne l’aiderait à conserver sur la Turquie « des avantages qui n’intéressaient point l’Europe », au besoin qu’elle prendrait parti pour le czar, son allié dans un conflit armé que Gortchakoff attendait peut-être de ce congrès (février 1878). L’Angleterre déjoua ces espérances, en réclamant, le 9 mars, la revision totale du traité de San-Stefano, et d’avance l’indication immédiate des remaniements que le vainqueur consentirait à accepter. Contre cette exigence, Gortchakoff et son maître se révoltèrent, le 26 mars 1878 ; ils entendaient se réserver la liberté d’accepter ou de refuser la discussion de certaines questions.