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Page:Bourges - Le Crépuscule des dieux, 1901.djvu/39

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le crépuscule des dieux

Pendant ce temps, le Duc dans l’un des salons, s’abandonnait à sa frénésie. La fureur l’étouffait, lui étranglait la voix. Les Prussiens, les Prussiens dans le duché !… Et, presque en écumant de rage, il éclatait contre son frère, ce perfide, ce lâche, ce fourbe et autres noms à faire baisser les yeux ; puis des jurons, des invectives, des clameurs et des coups de talon, dont il semblait qu’il trépignât sur le cadavre de son ennemi. Tout en péril si soudainement !… Le danger possible, affirmait Wilhelm, était plutôt par Lunebourg, et c’était par Wolfenbuttel que les Prussiens débouchaient !… Et ce traître de Lauingen ! Tonnerre !… Et rencontrant à portée de sa main une pendule de vieux Saxe, à laquelle il tenait cependant, le Duc la brisa contre le parquet, puis défaillant, sans voix, tomba sur un canapé.

Son premier feu était jeté pourtant, et ses enfants, un moment après, se hasardèrent à rentrer, en versant des larmes et en l’embrassant, car si dur que fût pour eux leur père, des occasions si désespérées rappellent toute la tendresse. Alors de se voir ainsi entouré, les entrailles s’émurent au duc Charles ; cet appareil, sa propre extrémité s’accordèrent pour le toucher, et les pleurs lui montèrent aux paupières ; mais il eut honte de sa faiblesse, et se leva pour la cacher, en disant avec vivacité :

— Eh bien ! nous partirons au point du jour,