Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/116

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de jeu dans le délai fixé. Philippe n’avait jamais refusé une affaire d’honneur, et ses amis pouvaient compter sur lui pour une démarche, même difficile, ou un service d’argent, même considérable. Mais dire ce que l’on sait des intrigues d’une femme du monde, après boire, où en serait-on s’il fallait s’interdire ce sujet de causerie, ainsi que les hypothèses sur le secret de la naissance des enfants adultérins ? Peut-être même ce joyeux étourdi qui avait ainsi affirmé, comme témoin oculaire, les légèretés de Thérèse de Sauve aurait-il versé de réelles larmes de chagrin s’il avait su que son discours servirait d’arme contre le bonheur de la jeune femme. C’est un inépuisable sujet de mélancolie pour celui qui va dans le monde sans s’y pervertir le cœur, que de voir comment les férocités s’y accomplissent parfois avec une entière sécurité de conscience. D’ailleurs, George Liauran n’aurait-il pas, tôt ou tard, appris de quelque autre source tous les détails que l’indiscrétion de son compagnon de table venait de lui révéler si soudainement et avec cette indiscutable précision ? À vrai dire, il ne s’en étonna pas une minute. Il se répéta bien deux ou trois fois, en rentrant chez lui : « Pauvre Hubert ! » mais il éprouvait secrètement le vilain et irrésistible chatouillement d’égoïsme que procure