Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/144

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catastrophe ? Thérèse le devinait trop. On n’avait pas menti à George Liauran. Pendant le séjour de la malheureuse femme aux bains de mer, il s’était joué dans sa vie un de ces drames secrets d’infidélité comme il s’en joue en effet beaucoup dans la vie des femmes qui sont une fois sorties du droit chemin. Mais nos actions, si coupables soient-elles, ne donnent pas toujours la mesure de notre âme. Il y avait, dans la nature de Mme de Sauve, des portions très hautes à côté de portions très basses, un mélange singulier de corruption et de noblesse. Elle pouvait bien commettre des fautes abominables, mais se les pardonner, comme c’est l’habitude heureuse de la plupart des femmes de ce genre, elle ne le pouvait pas, et maintenant moins que jamais, après ce qu’avait représenté dans sa vie cette passion de plusieurs mois pour Hubert. Ah ! sa vie ! sa vie ! C’est elle que Thérèse de Sauve apercevait dans les flammes tremblantes de la cheminée, par cette fin d’une journée d’automne, et le cœur bourrelé d’appréhensions. Tout le poids des erreurs anciennes, des criminelles erreurs, lui retombait maintenant sur le cœur, et elle se souvenait de l’état de morne agonie où elle se trouvait lorsqu’elle avait rencontré Hubert. Elle avait été douée par la nature des