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Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/156

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tous les hommes, si tendres soient-ils, ne demeurent pas loin de leur maîtresse, si aimée soit-elle, sans éprouver des tentations irrésistibles de la tromper avec la première fille venue. Mais cela était vrai des hommes et non des femmes. Pourquoi donc se trouvait-elle en proie à ces troubles inexplicables, à cette ardeur intime, à cette soif d’ivresses sensuelles dont elle s’était crue à jamais guérie par l’influence de son ennoblissant, de son idéal amour ? La créature dépravée qu’elle avait été autrefois se réveillait peu à peu. La nuit, durant son sommeil, elle était hantée par les visions de son passé. En vain elle avait lutté, en vain maudit sa perversion secrète. Puis elle s’était laissé faire la cour par le jeune comte de La Croix-Firmin. Elle se rappelait avec horreur la sorte de fascination animale que la présence de cet homme, son sourire, ses yeux, avaient exercée sur elle. Puis, — elle aurait voulu mourir à ce souvenir, — un après-midi qu’il était monté chez elle, qu’il faisait une de ces torrides chaleurs par lesquelles la volonté se sent comme malade, il avait été audacieux, et elle s’était abandonnée à lui, d’abord lâchement, puis fougueusement, rageusement. Pendant huit jours elle avait été sa maîtresse, en proie à l’égarement de la passion physique, chassant, chassant toujours le souvenir