Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/166

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— «  D’avoir pu me laisser troubler une minute par une infâme calomnie, que des personnes qui haïssent notre amour m’ont rapportée sur ta vie à Trouville… Mais qu’as-tu ?… » — Cette phrase, et plus encore le son de voix avec lequel elle avait été prononcée, était entrée dans le cœur de Thérèse comme une lame. Peut-être si Hubert l’avait accueillie, dès son arrivée, par des paroles de soupçon, ainsi que les hommes savent en inventer, dont chaque mot suppose une absence de foi qui devance les preuves, aurait-elle trouvé dans son orgueil de femme l’énergie d’affronter le soupçon et de nier. Mais il y avait dans l’attitude du jeune homme, depuis le début de cette explication, la sorte de confiance tendre, candide et désarmée qui impose la sincérité à toute âme demeurée un peu noble ; et, malgré ses défaillances, Thérèse n’était pas née pour les compromis des adultères ni surtout pour les complications des trahisons. Elle était de ces créatures capables de grands mouvements de conscience, de soudains reflux de générosité, qui, descendues à un certain degré, disent : « C’est assez d’abjection ! » et préfèrent se perdre entièrement à s’abaisser davantage. Les remords des dernières semaines l’avaient d’ailleurs amenée à cet état de sensibilité souffrante qui pousse aux actes les plus déraisonnables, pourvu